« Sam ! Sam ! Elle ne respire plus ! » ; « Hein ? Quoi ? » ; « ELLE NE RESPIRE PLUS ! » ; la voix affolée de ma femme, ma merveilleuse femme, m’avait tiré du sommeil profond dans lequel j’étais. Ses paroles m’avaient rendu fou. Elle ne respirait plus… notre petite Maddie, la chair de ma chair, de mon sang, elle ne répondait plus. Allongée sur notre lit, elle était inanimée. Je la secouais, cherchant de la faire sortir de la simple torpeur dans laquelle je pensais qu’elle était plongée, mais elle ne se réveillait pas. Elle était froide… trop froide. Je compris alors qu’il était trop tard. Des larmes de rage et de tristesse coulaient sur mes jours alors que ma fille était morte là, sous mes yeux. Qu’avions-nous fait ? Que s’était-il passé ? Nous ne méritions pas ça. Petit couple sans embrouille que nous étions, mariés et parents jeunes, aimants et soucieux de notre petite Maddie, nous ne méritions pas de la perdre de cette manière. C’était terriblement injuste… ;
Je me réveillais en sursaut de ce cauchemar. Transpirant, aussi fatigué que lorsque j’avais posé ma tête sur l’oreiller de la chambre pourrie d’un motel trouvé sur la route. Maddie… elle hantait mes nuits, et peuplait chacun de mes rêves. J’étais devenu père tôt, à 26 ans. Marié encore plus tôt, à 22 ans. Je n’en avais jamais rien regretté, même maintenant, un an et demi après la mort de ma fille, et quelques mois après la fin de ma procédure de divorce.
Je me redressais sur le lit en soupirant, passant mes mains dans mes cheveux. « C’était un cauchemar, Sam… un putain de cauchemar ! » ; un de plus, un parmi tant d’autres. Il était récurrent, celui-ci. Comme celui où je la voyais s’éloigner de moi, de plus en plus, sans que je ne puisse faire un pas pour la rattraper. Mort subite du nourrisson… les médecins avaient prononcé le mot lorsqu’ils nous avaient annoncé qu’on ne pourrait rien faire pour notre bébé. Pourquoi ? Ils n’en savaient rien. Ni Ann, mon ex femme, ni moi ne fumions. Sa chambre était aérée, spacieuse, elle dormait sur le dos, sans oreiller ni couette. Aucune explication. Aucune chance de savoir pourquoi nous avions perdu notre magnifique Maddie. J’ai tenu le coup. Pas Ann…

Moi, j’ai continué à bosser. Mes collègues n’avaient même, pour la plupart, aucune idée de ce qu’il se passait dans mon foyer. J’évitais un maximum le sujet des enfants, mais personne n’aurait su deviner. Le soir, je rentrais chez moi, et je reconnectais à la réalité. Malgré ça, je m’efforçais à vivre une vie normale. Ann, quant à elle, s’éloignait de moi. Je la voyais peu, et elle prétextait un boulot monstre dans le magasine où elle travaillait. J’y croyais. J’étais naïf… beaucoup trop.
Un soir, je suis rentré plus tôt que prévu… beaucoup plus tôt. Et je l’ai trouvée, là, au beau milieu du salon, assise par terre, nue, en train de sniffer un rail de coke. Ouais. Cette sainte qu’était Ann était en train de sniffer de la coke. Et ce n’était visiblement pas la première fois, vu l’état dans lequel elle était. Sans même tenter de m’embrouiller, elle s’était juste effondrée en sanglots en me voyant. J’avais simplement soupiré, et l’avait aidée à se redresser avant de la mettre au lit. Je pensais qu’il ne s’agissait pas de grand-chose. Juste d’une fois isolée où, trop paumée pour tenter de se réconforter seule, elle avait voulu tenter la drogue. Je ne m’attendais pas à découvrir le désastre qu’elle avait fait de nos vies. C’est en consultant nos comptes, durant la nuit, que j’ai découvert ce qui se tramait dans mon dos depuis des mois. J’avais fait confiance, comme toujours. Elle avait toujours géré l’argent à la maison, pendant que je m’occupais des courses, du bricolage et de l’aménagement. J’aurais dû être plus attentif. Nous étions ruinés… purement, et simplement. Il ne restait plus rien sur notre compte. Plus rien du tout. Tous mes salaires, les siens, l’argent mis de côté pour Maddie que nous avions décidé de laisser en sommeil un bon moment… il n’y avait plus rien. Elle avait tout vidé pour s’acheter sa putain de drogue. Furieux, j’étais complètement sous le choc. Elle avait tout pris. Sans rien me dire, sans me demander de l’aide alors qu’elle savait que j’étais là, qu’elle savait que j’avais vécu la même chose qu’elle et que je pouvais comprendre et aider… mais non. Elle s’était enfoncée de son côté, alors que je m’efforçais de tenir du mien. Et je doutais que ce soit la seule et unique merde dans sa nouvelle vie.
Alors, je n’ai pas hésité. Je me suis tu, et je l’ai laissée vivre sa vie comme elle l’entendait. La surveillant, cette fois. Découvrant qu’elle dépensait des centaines de dollars par semaine en drogue, qu’en plus, elle sortait le soir dans différents bars, et qu’elle buvait bien plus que de raison. Ce n’est qu’en la suivant, un soir, que j’ai découvert la pire chose qu’elle puisse me faire : me tromper. Trop, c’était trop. Vivre dans le mensonge, c’était tout simplement impossible pour moi. Une énorme dispute a éclaté une fois qu’elle fut rentrée, stone et bourrée à la maison. Elle ne chercha même pas à démentir ce qu’elle avait fait… c’était trop évident, j’avais trop de preuves. Et je suis parti… seul, demandant le divorce, errant comme je pouvais à la recherche d’un appartement, sans succès. Et une fois le jugement prononcé, j’ai purement et simplement quitté la ville.

Et voilà comment j’ai atterri ici. Blessé, meurtri, en deuil. Maddie me manque. Ann, quant à elle, me fait une peine énorme. Je n’ai aucune nouvelle et parfois, je regrette de ne pas avoir tenté de l’aider. Probablement que je suis un horrible type, pour ne pas avoir pensé à la faire aider. Mais je n’ai pas supporté la tromperie. J’ai beau, plus jeune, avoir été plutôt volage, une fois que je suis amoureux, c’est pour de bon. Ce n’est pas quelque chose avec quoi on peut jouer. Je l’aimais. Je l’aimerais sûrement toujours. Mais la Ann que j’ai quittée n’était plus celle que j’avais aimée et épousée. Et ça, je ne pouvais pas le supporter…

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Je me réveillais, seul dans ce petit lit de motel pourri. Je venais de passer cinq nuits plutôt merveilleuses. La vérité, c’est que je m’attendais pas du tout à revivre une connexion de ce genre avec une femme de sitôt. Et pourtant… j’avais rencontré cette fille dans un bar. Elle m’était littéralement tombée dessus et, allez savoir pourquoi, je m’étais battu pour elle. Ca m’avait fait du bien. D’une part, je l’avais « sauvée ». Et d’un autre côté, ça m’avait défoulé. Comme si j’en avais besoin. Il me restait des traces sur le corps, mais je me sentais mieux. J’ouvrais finalement les yeux, découvrant un lit bel et bien vide de toute trace de la femme que j’avais sauvée. « Eva ? » ; la voix forte, je cherchais à savoir où elle était passée, mais pas de réponse. Je me levais alors de mon lit, nu comme un ver, et enfilais rapidement mon boxer. Je traversais la petite chambre en trois enjambées et poussais la porte de la salle de bains. « Oh, Seigneur… » ; je venais de percuter : elle s’était enfuie comme une voleuse, prenant tout avec elle. Tout ? Non. Pas cette boîte de cachets sur le bord du lavabo. Je ne l’avais jamais vue, ces derniers jours. Je l’attrapais et lisais le nom du médicament. Ca ne me disait rien… une droguée ? J’en doutais. Je ne l’avais pas quittée ces derniers jours, et paranoïaque comme je l’étais depuis que j’avais quitté New York, j’aurais fini par le remarquer. Plutôt malade je dirais… mais atteinte de quoi ? Je n’en avais aucune idée.
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Je la tenais dans mes bras depuis maintenant quelques secondes. Elle me semblait si frêle, si fragile… elle avait peur. De quoi ? Je n’en avais aucune idée. Grâce à des recherches rapides, j’avais découvert que le médicament qu’elle prenait servait dans des psychoses d’un certain type. Mais je n’y connaissais strictement rien, alors, je n’avais pas poussé plus loin. Elle était malade, c’était bel et bien le cas. Malade psychologiquement… et elle détestait cela, vu la réaction qu’elle avait eue lorsque je lui avais demandé de prendre son médicament. Elle avait raison, je ne la connaissais pas. Mais j’en savais assez pour comprendre que sans cachet, son humeur lui jouait des tours. Je le remarquais là. Sa colère, ses larmes… un changement si rapide qu’il en était tout simplement incroyable. Je ne la jugeais pas. Elle avait ses problèmes, j’avais les miens. Je n’avais pas fait mon deuil, je dormais mal, je faisais des cauchemars à longueur de temps… on lui avait diagnostiqué une maladie psychiatrique. Peu importait. Tout ce qui comptait à présent, c’était la sensation de bien-être que j’avais alors qu’elle était dans mes bras. Mais c’était loin d’être gagné : elle était, probablement, la fille la plus bornée qu’il m’ait été donné de rencontrer sur terre.