Il devait être quatorze heures ou quelque chose par là. Le soleil était au rendez-vous sur la grande route déserte. La chaleur aussi, d’ailleurs. Les deux sœurs Lenoir étaient installées dans leur voiture depuis un certain temps. Quelques paroles échangées, quelques regards, quelques sourires complices, quelques rires. Oui, si vous préférez : la bonne entente régnez entre les deux jeunes femmes. Anastasia installée devant le volant, Angie était assise à ses côtés. Après quelques minutes, la sœur ainée des Lenoir, Angie, se pencha en direction du vieux poste radio. Elle se mit alors à tourner l’un des boutons qui était à présent entre ses doigts. Quelques grésillements puis une mélodie s’échappa enfin des enceintes qui se trouvaient à l’intérieur du véhicule. La jolie blonde s’installa confortablement dans son siège. Dans un élan de folie (sûrement), elle se leva, levant les bras. Les cheveux au vent, l’air vint alors lui gifler violement le visage. Et elle riait, riait, riait au éclat comme jamais. Elle se sentait soudainement comme libre. Un instant de liberté. Liberté total. Libre, tout ceci signifiait plein de chose à la fois… et dans cette réflexion, la jeune femme ferma les yeux petit à petit. La musique rythmait ses pensées qui se baladèrent en chœur dans son esprit insouciant.

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J'aurais aimé t'écrire le plus beau des poèmes et construire un empire juste pour ton sourire, devenir le soleil pour sécher tes sanglots. Angie se tenait debout face au cercueil qui se trouvait non loin d’elle. La gorge nouée, le visage refermé, la boule au ventre sûrement, sans oublier les larmes aux yeux. Des lunettes de soleil noires cachées son regard dissimulant ainsi ses yeux, ses larmes et sa tristesse grandissante. Elle avait vu cela dans les films quelques temps auparavant. Après tout pourquoi ne pas faire comme ce qu’elle avait vu, la pensée était quelque peu frivole voire déplacée dans ce moment précis. Alors, oui, elle était là. Parmi cette foule qui entourée le cercueil dans le cimetière. Son regard balaya chaque personnes présentent. Quelques visages méconnus venaient se mêler à ce tableau de visages connus. Puis ses yeux se posèrent sur ce jeune homme, sur lui, sur Léo. Sur ce garçon qui n’était que la pâle copie exacte de son petit-ami. Petit-ami défunt devrait-elle dire à présent. Car oui ce corps inerte, ce corps sans vie, ce corps dotée d’une âme morte, n’était autre que son petit-ami, Tom. Tom Vannier. Qui aurait pu imaginer qu’à dix-huit ans, elle serait au beau milieu des bouquets de chrysanthèmes éphémères à l’enterrement de son petit-ami ? Ni vous, ni moi, ni son entourage, ni elle. Angie sursauta légèrement lorsqu’elle sentit une main se déposer sur son épaule. Elle resta figée un instant avant de se résigner à tourner la tête vers la personne qui venait de s’approcher vers elle pour lui accorder un instant de réconfort (ou de compassion, qui sais-je). Elle posa les yeux sur cette personne. Personne qui s’avérait être sa sœur, Anastasia. La jeune fille s’efforça alors de dessiner un sourire sur son visage. Visage marqué par la fatigue, par les pleurs, par la peine. « Ca va bien se passer, ne t’en fais pas… » souffla alors sa sœur à son oreille. Et une nouvelle fois, elle se résigna à lui sourire. Un petit sourire forcé bien entendu. Bien entendu ça n’allait pas bien se passer. Enfin, le pire était arrivé, il est vrai. Un banal fait divers dans les journaux pour certains, pour la plupart même. Pour la jeune femme, c’était comme une partie d’elle qu’on venait de lui amputer. Un accident de voiture, la perte d’un être qui lui était cher, très cher même. Après quelques secondes, la voix d’Anastasia retentit au creux de son oreille. « Sois forte chérie, je suis sûre qu’il doit être fière de toi. ». Et la tête de la jeune fille vint se déposer contre son épaule. Angie prit une grande bouffée d’air et ferma ses yeux comme pour tenter de retenir ses sanglots. Elle n’écoutait plus que d’une oreille tout ce qu’il se disait autour d’elle. Toutes ces paroles, tous ces mots prononcés n’avaient aucun sens pour la jeune fille. Tout était devenu insensée autour d’elle. Après une énième inspiration. Il est fier de toi, il est fier de toi oui, se répétait à tue-tête Angie à elle-même. Et c’est alors que son regard vint se déposer sur le visage de Léo, le frère jumeau de son petit-ami. Elle resta figée, et ne bougea pas un cil. Lui, elle ne voudrait pas le revoir. La simple de son visage lui rappellerait peut-être trop de souvenirs douloureux. Alors elle se l’était promis ce jour-là : elle se tiendrait loin de ce garçon…



Chienne de vie. Angie avait pourtant tout pour avoir une belle vie. C’est à Paris que son histoire débuta, au plein cœur du XVI arrondissement. Dix-huit ans de sa vie dans la capitale française. L’histoire aurait pu continue ainsi, c’est vrai. Pourtant, ça n’a pas été le cas.
Début juillet. Les deux sœurs Lenoir, Anastasia et Angie, s’approchèrent nerveusement vers le tableau d’affichage. Main dans la main, elles se lancèrent un regard complice avant de se jeter dans la cage aux fauves. Bataillant des coudes, la belle blonde, Angie, arriva jusqu’à son objectif premier. Arriver saine et sauve devant le tableau d’affichage où les résultats du baccalauréat étaient affichés. Deuxième objectif : trouver son nom. Balayant chaque nom qui se trouvait en face d’elle, elle trouva alors enfin celui qu’elle voulait : Lenoir Angie. La nouvelle bachelière accourut vers sa petite sœur qui a son tour venait de lire son nom sur l’une des feuilles. « Oh my god ! On l’a ! » s’exclama Anastasia en s’empressant de prendre dans ses bras Angie. « Ouais… et maintenant, New-York ! » « New-York ? » « Ana, me dis pas que tu as oublié ! Bac en poche… New-York à nos pieds dés demain ! ». Partir aux Etats-Unis, plus précisément à New-York City : voilà le projet des deux sœurs Lenoir. Un voyage qui allait durer un an. Un an pendant lequel elles allaient côtoyer la liberté et leur nouvelle indépendance. Un an de paradis pour elles.
« Alors mes belles ? On va aller fêter ça autour d’un verre ? » Le jeune homme prit chacune des deux filles dans ses bras. « Louis… » « Angie ! ». Sans attendre une réponse d’Ana et d’Angie, le dénommé Louis les emmena au petit bar du coin. Le QG des lycéens de l’arrondissement. « Alors comme ça, vous allez vous tirer à New-York ? » « Hum, ouais. » « & vos parents ? Ils en disent quoi ?! » « On est majeures, on n’a pas besoin de leur accord pour partir là où bon nous semble, tu sais. ». La conversation dévia alors rapidement sur d’autres sujets, peu passionnants et pertinents. Enfin suffisamment pour faire rire nos trois jeunes parisiens. A vrai dire, ce n’était pas comme s’ils ne se connaissaient que depuis une semaine environ. Louis côtoyait les deux Lenoir depuis le collège. S’il n’avait jamais été vraiment proche d’Anastasia, l’inverse s’imposait avec Angie. En effet, les deux se sont toujours bien entendus. La belle blonde n’avait pas réalisé qu’en quittant Paris, elle laisserait derrière elle celui qu’elle considérait comme son meilleur ami…



New-York. Cela faisait presque sept mois que les deux parisiennes étaient dans la grande pomme. Sept mois où elles ont pu goûter à ce qu’on appelle le ‘rêve américain’. Au cours de son séjour, Angie fut repérée par une agence de mannequinat. Rapidement, elle céda à la tentation de poser devant un objectif. Ce soir-là, elle sortit du studio après avoir passé une journée à faire une série de clichés. A peine quelques minutes venait-elle de quitter les lieux, elle se fit accoster par un homme qui lui attrapa le bras. « Toujours aussi belle… » lâcha-t-il. « Qu’est-ce que tu me veux Matt’ ? » « Ce que j’ai toujours voulu… » L’homme resserra sa poigne et tira la jolie blonde vers lui. « Lâche-moi ! » « Je te ferai pas cet honneur. ». C’était alors sur ces quelques mots qu’il l’emmena dans sa voiture sans que celle-ci puisse échapper à ses griffes. Ses lèvres vinrent se déposer sauvagement sur celle d’Angie qui se trouvait allongée sur la banquette arrière sans pouvoir bouger. Pas maître de ses mouvements, elle se sentit comme prise au piège. « Lâche-moi. Tu me fais mal… » « Arrête, je sais que tu en as toujours rêvé... ». Si dans ce moment, il semblait prendre son pied, ce fut tout le contraire pour Angie. Le début d’un cauchemar, d’une soirée qui n’aurait jamais dû exister pour elle. Se retrouver coincé dans une voiture, avec un type qui n’avait qu’une envie coucher avec vous, entrain de vous mettre nue sans que vous le vouliez… Tant bien que mal, elle essaya de le repousser, de lui répéter sans cesse d’arrêter, de la lâcher, mais rien n’y faire. Les larmes commencèrent petit à petit à perler sur son joli visage… Comme humiliée, Angie garda un sombre souvenir de cette nuit. Comme brisée, la jeune femme a perdu toute confiance qu’elle pouvait avoir à l’égard des hommes. Cette soirée-là, c’était la soirée de trop.



« Un road trip !» reprit la jeune Lenoir s’accoudant sur la table de la cuisine. Angie la regarda déconcertée, la bouche entre-ouverte, elle n’osait prendre la parole. Elle se contenta alors de secouer légèrement la tête. « Et je peux savoir où as-tu eu cette fichue idée ? Et surtout pourquoi… » répliqua la jeune femme, peu de temps avant de s’être assise à la table, face à son assiette. Non pas qu’elle voyait d’un mauvais œil le projet d’Anastasia, mais il fallait l’avouer, elle n’était pas dans le même état d’esprit de sa sœur. L’imprévu, faire les choses sur un coup de tête, et toutes ces choses-là, ça ne ressemblait pas à Angie, bien au contraire. « T’occupes ! Je gère. » affirma alors Ana. Froncement de sourcils de la part de l’aînée de la famille. « Je crois que c’est bien cela qui m’inquiète… en attendant, tu n’as pas répondu à ma question. Où as-tu eu cette fichue idée ? Et surtout qui. Je suis sûre que tu n’as pas trouvé cela toute seule mademoiselle je-vis-sur-mon-nuage. ». Les paroles tenues par la jeune fille les plongèrent dans un silence. Permettant alors de reprendre le cours normal du diner. Le bruit des fourchettes, des couteaux reprirent en chœur, ne laissant plus place à la conversation. C’est alors qu’après quelques longues minutes d’hésitation, la petite Ana décida de répondre enfin. De répondre enfin à la question que sa sœur lui avait posée auparavant. « Russell. C’est Russell qui m’a parlé de cela… Puis c’est plutôt une bonne idée. On aurait sûrement du faire cela au lieu de venir se poser à New-York. Ca va nous permettre de voir du paysage, et de rencontrer des gens, plein de gens. Je te promets Angie, tu ne vas pas le regretter. Puis je t’autoriserais de me casser les oreilles avec toutes tes musiques kitchs là dans la voiture. Et si tu me trouves trop chiante, trop soulante, trop fatigante… je t’autoriserais à m’abandonner sur le bord de la route comme les gens font avec leur chien ! ». Un rire s’échappa de la bouche d’Anastasia comme si elle avait l’attention de vouloir détendre l’atmosphère. Bien entendu, ça n’avait pas très bien marché. Sa sœur s’était contentée d’esquisser un petit sourire timide (certes) et amusé à la fois. Celle-ci d’ailleurs posa les couverts et regarda droit dans les yeux la jeune fille qui se trouvait en face d’elle sans ciller. Elle se contenta alors d’un signe de la tête comme pour acquiescer. Et un petit « Hein hein. » s’échappa de sa bouche. Bien entendu, elle n’était pas très convaincue. Convaincue par cette idée qui pouvait paraitre quelque peu exotique pour la jeune fille…

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« Heoh ! » s’écria alors Ana. Lançant un regard agacé à sa sœur. « Allo la Lune, ici la terre ! » réprit-elle, tirant alors sur le tee-shirt de sa sœur. Angie fut alors tirée de ses pensées contre son gré, elle baissa la tête vers sa petite sœur et lui esquissa un petit sourire désolée avant de prendre à son tour la parole. « Hum, tu disais ? ». Aussitôt qu’elle posa sa question anodine, la jeune femme se rassit confortablement dans son siège. La conductrice posa un regard sur elle avant de se concentrer à nouveau sur la route qui se traçait devant elles. « Non, rien… rien. » dit-elle en faisant une légère moue. « Et Santa Rosa, nous voilà ! » lança-t-elle d’une voie enjouée. Santa Rosa, leur prochaine étape.