❧ FAMILY PORTRAITSANTA ROSA, NOUVEAU-MEXIQUE - 27 avril 2004Chez les Rachael/Mills, la brouhaha matinal était un culte. Il ne se passait pas une journée sans laquelle on se voulait réveillé par l'agitation qui régnait dans la maisonnée. On retrouvait alors les petits jumeaux, Randall et Dawson en train de courir à travers la cuisine tout en brandissant leurs épées en plastique avec leur charabia médiéval, empêchant leur mère Marcia de préparer correctement les pancakes de tous qui elle-même suppliait son mari Donnie pour qu'il mette un terme à tout cela mais il se contentait d'afficher un petit sourire moqueur et tendre à la fois, sirotant tranquillement sa tasse de café noir. Ne tardait pas à se joindre à eux Faith, encore en pyjama et les cheveux en bataille, les yeux entrouverts et une main posée sur son ventre.
« Maman... Je me sens pas bien... » Ce qui était totalement faux mais à son jeune âge, elle préférait déjà manquer les cours pour rester tranquillement à la maison. Elle pouvait d'ailleurs compter sur Phoenix, son cadet pour balancer le pot aux roses.
« Menteuse ! Je t'ai même vu dessiner tes trucs violets sous les yeux avec les trucs de Laurel, dans la salle de bain et mettre ta tête sur le radiateur ! » En voilà un qui se ferait tirer sur le slip s'il ne filait pas à la vitesse grand V, ce qui semblait apparemment dans ses projets tout en riant aux éclats face à la fureur de sa soeur. Il manqua néanmoins d'entrer en collision avec une autre de ses aînées, Laurel cette fois, âgée de quinze ans, qui entra à son tour dans la pièce, prise de panique.
« Vous n'auriez pas vu mon devoir d'histoire ? Je dois le rendre aujourd'hui à tout prix ! » Tout en farfouillant un peu partout dans la cuisine, elle tomba nez à nez avec Faith et fronça légèrement les sourcils.
« Tiens, tu m'aurais pas piqué du maquillage toi ? » Relevant alors les soi-disantes cernes qui ornaient le visage de sa petite soeur, blasée.
« MAMAN ! » Laurel haussa les épaules après avoir croisé le regard amusé de son beau-père qui leva ensuite les yeux au ciel, lui désignant où il avait rangé son devoir d'histoire afin d'éviter bien des catastrophes. Rangeant les feuilles en question dans son sac bandoulière, l'adolescente s'accorda enfin de s'asseoir histoire de ne pas partir le ventre vide mais ce n'était pas pour autant que le calme reprendrait place.
« Putain mais pourquoi personne m'a réveillé ! Vous faites chier quoi, je suis censée être partie depuis quinze dix minutes déjà ! Merde merde merde ! » Avec un tel langage, cela ne pouvait être qu'Eunice, l'aînée de la fratrie qui n'était absolument pas ravie, ce qui était compréhensible. Pendant ce temps, Marcia poursuivait la préparation de ses pancakes, les jumeaux se servant d'elle afin de se protéger l'un l'autre des coups d'épée incessants. Donnie se décida ensuite de lâcher sa tasse de café ainsi que son journal pour attraper les petits sous chaque bras et les emmener dans le salon.
« Tu fais peur... 'fin, plus que d'habitude... » Inévitablement, Phoenix en avait profité pour provoquer Faith une fois de retour dans la cuisine, lâchant un rire moqueur avant de se faire poursuivre par celle-ci.
« Je vais te faire ta peau ! Reviens ici tout de suite ! » « Bordel mais elles sont où mes clés de voiture ?! MEEERDEUH ! » Eunice, toujours à parcourir chaque pièce de la maison, totalement sur les nerfs mais sa voix fut rapidement couverte par celles de jumeaux, en choeur :
« GRAAAAAH ! » Donnie leur courant après pour essayer de les attraper et les tenir en place, ce qui était presque toujours mission impossible et cela ne serait que pire durant le chemin de l'école. Laurel, assise à table à l'attente des pancakes opta pour aller terminer de se préparer en enfilant alors ses chaussures, sentant un liquide gluant dans l'une d'elle. Relevant son pied droit, elle afficha une grimace écoeurée en voyant ce qui dégoulinait de sa chaussette.
« Ewww ! Mais qu'est-ce que... » Elle ne mit pas bien longtemps à comprendre.
« Ah mais c'est dégueulasse ! Maman, Buster a bavé dans mes chaussures ! » « Maman ! Faith veut m'étrangler ! » « JE VEUX MES PUTAINS DE CLÉS ! » Réagissant enfin, Marcia poussa un bon cri et le silence prit aussitôt place dans la cuisine. Tous les regards étaient posés sur la matriarche qui prit une profonde inspiration après avoir vidé ses poumons pour arrêter cette torture auditive. Personne n'osa bouger non plus, pas même les jumeaux qui se faisaient même tout petits tandis que Faith oublia l'idée d'étrangler son frère et Eunice le sort de ses clés. Pour compléter le portrait de famille, Billy arriva enfin dans la cuisine, en pantalon pyjama tout en se grattant au niveau des côtes sans aucune grâce. Allant directement s'asseoir à table, il s'affala sur l'une des chaises et dit tout en bâillant :
« J'ai tellement faim que je pourrais manger Randall et Dawson en brochettes ! Y a quoi pour le petit déj' ? » Digne de Billy qu'un tremblement de terre ne réveillerait pas et ne le ferait jamais descendre totalement des nuages sur lesquels il se trouvait à moins que cela ne concerne son ventre et comment le rassasier. On ne pouvait lui reprocher que rien que son personnage détendait l'atmosphère, ne manquant de faire rire toute la famille après le vacarme qu'il venait d'y avoir.
❧ COLD CASE LOVECHICAGO, ILLINOIS - 04 octobre 2008Être en position de faiblesse avait toujours joué des tours à Laurel qui se faisait toujours avoir comme la pire des bleus. Elle savait pourtant que noyer son chagrin dans l'alcool n'était pas une solution ni même boire à chaque fois que quelque chose n'allait pas. Pourtant, elle n'y manquait jamais de replonger dans cette addiction qu'était la sienne, se rendant dans le premier bar trouvé en chemin pour enchaîner les shots. Il ne s'agissait pourtant que d'une peine de coeur, une parmi tant d'autres et elle s'en remettrait, comme toujours. Le regard à la limite du vitreux et l'haleine chargée d'alcool, la jeune femme s'était laissée séduire par un jeune homme ce soir là plus vite qu'elle ne l'aurait cru malgré qu'elle eut joué les fortes têtes. Pourtant, c'était plutôt à elle de battre des cils pour l'obtenir mais les rôles avaient été inversés. Si Laurel avait crut cela sans lendemain, elle s'était brillamment trompée puisque deux mois plus tard, elle était toujours avec Dalton qu'elle ne connaissait pourtant qu'à peine. Certainement est-ce cela qui lui portera justement préjudice.
« Encore et toujours à faire la gueule. Avec toi, c'est toujours la même rengaine et tu commences sérieusement à me faire chier. Je t'ai dit ce qu'il en était non alors arrêtes de faire cette putain de tronche ! » Était-il sérieux ? Laurel se demandait intérieurement comment elle avait pu être assez conne pour rester tant de temps avec un salaud comme lui. Son pied tapant nerveusement sur le parquet, la jeune femme manqua de se mettre à rire non pas parce que la situation était amusante mais plutôt parce qu'elle était absurde.
« C'est que tu me prends pour une conne finie. Attends, j'ai encore une vue correcte et un minimum de bon sens pour voir que tu chauffais cette salope comme si tétais en manque ! Une vraie paire de couilles sur pattes ! » Irrité par ces quelques paroles, Dalton donna un coup de pied dans la porte de la salle de bain, soudainement agité. Laurel savait qu'il n'était pas le genre d'homme qui se laissait parler ainsi, particulièrement par une femme mais manque de chance pour lui, il n'avait pas face à sa petite personne une demoiselle docile qui disait amen à tout. Le poing serré, il faisait les cent pas à travers la chambre et il ne fallait pas être bien malin pour se rendre compte à quel point la colère l'envahissait de plus en plus. Pourtant, Laurel n'était pas effrayée, sûrement à cause de l'adrenaline qui montait elle aussi mais ce n'était certainement pas une bonne chose.
« Toujours à jouer les victimes... C'est comme ça que tu les attires dans ton lit d'ailleurs hein ? En rabâchant encore et toujours la même chose comme ta soi-disant putain de mère qui s'est barrée quand t'étais gosse, les coups infligés par ton paternel et tout le bordel. Puis une fois ton récit terminé et quelques larmes versées, elles s'empressent toutes de te consoler durant la nuit, bonnes petites chiennes qu'elles sont. » À peine eut-elle le temps de se lever pour un affront plus important que le poing de Dalton vint à la rencontre de son visage. Perdant rapidement l'équilibre, Laurel se retrouva violemment au sol et ce n'est sans douleur qu'elle se redressa, difficilement.
« Ne me cherche surtout pas Lo sinon... » « Sinon quoi ? Vas-y dis-le Dalton, sinon quoi ? Tu vas encore me foutre une volée et qui sait, pourquoi pas continuer ? Tu ne sais faire que ça. Minable. » À force de provocation verbale, Laurel se retrouva avec les mains de Dalton autour de son cou, serrant légèrement mais pas au point de l'empêcher de respirer. Elle savait néanmoins que s'il le voulait, il pouvait se charger de son cas sans pour autant l'envoyer au point de non retour. Elle ne serait pas la première personne ni même la dernière.
« C'est toujours la même chose... On atteint sans cesse le même point. Quel manque d'originalité. » Certainement aurait-elle mieux fait de se taire mais avec lui, c'était plus fort qu'elle. Dalton ne serra pas davantage l'étreinte qu'il faisait au cou de la jeune femme. Il opta plutôt pour un nouveau contact entre son poing et le visage de celle-ci, pour recommencer une seconde fois puis encore une autre. En effet, les même choses se répétaient sans cesse et oui, il manquait cruellement d'originalité.
❧ SOAK UP THE SUNSANTA ROSA, NOUVEAU-MEXIQUE - 12 février 2011« Donnie ! Donnie ! Laurel est arrivée ! » S'écria Marcia en voyant sa fille passer la barrière qui délimitait leur jardin du reste du terrain. Si c'était à son mari qu'elle s'était adressée, le reste de la maison en fut tout aussi alerté. Se comptait parmi les habitants hormis sa mère et son beau-père sa soeur Faith, son frère Phoenix et les jumeaux Randall et Dawson, tous encore mineurs. Eunice, elle, préparait son mariage en Virginie durant le temps qu'elle était sur le sol américain quand à Billy, parti en Irak quelques années auparavant, cela faisait maintenant un bon moment qu'ils en étaient malheureusement sans nouvelles. Le mot passé dans les oreilles de chacun, tous s'étaient empressés de venir dans le salon où se trouvait la porte d'entrée, prêts à accueillir l'un de leurs aînés. Ce n'était pourtant pas la première fois que Laurel revenait à Santa Rosa mais ce n'était apparemment pas une raison pour fêter son retour comme il se le devait.
« Tous déjà là ? Vous êtes à chaque fois un peu plus rapide, vous m'épatez ! Allez, trêve de blah blah : câlin collectif ! » Aussitôt dit, aussitôt fait. Après avoir posé ses bagages dans la chambre qui avait été la sienne durant la quasi intégralité de sa vie qu'elle partageait aujourd'hui avec Faith, Laurel devait ensuite raconter les dernières aventures et mésaventures au cours de son absence.
« Tampa... Au moins tu étais apte à supporter la chaleur de là-bas ! Ce n'est pas bien différent de notre Nouveau-Mexique à part ces satanés cyclones. » Et Donnie s'y connaissait pas mal, il avait vécut en Floride durant quelques années après le divorce de ses parents quand il était enfant.
« Je ne te raconte pas ! Abonnement soleil toute l'année et surtout, surpopulation de retraités ! D'ailleurs, il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent dans le coin où je me trouvais à moins de taper dans les sexagénaires. » Elle adressa un petit clin d'oeil à Faith qui se retint de rire. Laurel avait tout de même raison, la Floride était le refuge des personnes âgées du pays et Dieu seul savait pourquoi.
« T'as vu des alligators ? Mais des vrais, dans la nature, de près hein ! » L'enthousiasme de Phoenix était toujours le même à chaque fois, en particulier quand il s'agissait des animaux tandis que les jumeaux, eux, étaient calmes et attentifs comme jamais. Poursuivant son récit durant l'heure du déjeuner, Laurel constata sans aucun mal à quel point sa famille, son agitation et sa joie de vivre, tout comme la ville de Santa Rosa, lui avaient manqué. Revenir ici était sans cesse un grand soulagement, ce sentiment de bien être dont elle avait besoin. Le repas terminé, la demoiselle aida sa mère à débarrasser la table puis en sa compagnie, fit la vaisselle.
« Tu comptes rester plus longtemps en ville que d'habitude j'espère ! Même si je sens que tu vas encore nous faire une virée je ne sais où dans le pays. À ce rythme-là, tu auras vu l'intégralité des Etats-Unis si ce n'est déjà fait ! » Bon peut-être pas l'intégralité du pays mais il était vrai que Laurel en avait vu !
« Eh bien pour tout te dire, je pense enfin poser mes bagages à Santa Rosa. Je ne peux pas te garantir que ce sera du définitif mais pour un bon moment en tout cas, oui. » Rien que cette annonce décrocha l'un des plus beaux sourires que Marcia savait faire. Elle qui était tellement famille et voulait garder ses enfants au plus près d'elle, avec Laurel elle serait dorénavant servie durant un bon temps même s'il manquait toujours Eunice et Billy pour compléter le tableau familiale mais disons que l'habitude prenait peu à peu le dessus même si la peine n'était jamais réduite.
« Ma chérie, tu ne seras jamais aussi bien ailleurs qu'à Santa Rosa. C'est ta maison et cela le sera toujours. » Et elle avait très certainement raison.