« Merde, Saskia ! Tu te rends compte de ce que tu as fait ? » J'avais cette arme dans ma main. Il y avait ce garçon étendu sur le sol, baignant dans une mare de sang. J'avais pointé mon arme sur lui. Je l'avais tué. De sang froid. Ce n'était pas un accident. Ce n'était pas par défense. Je savais très bien ce que je faisais, j'avais conscience de mes actes. Malgré moi, des larmes coulaient sur mes joues. Ce type était une belle ordure. Il méritait son sort. Alors pourquoi pleurais-je ? Les remords. J'avais tué un homme. Une étudiante en criminologie devenue meurtrière, quel comble.
Je me tournais vers la fille qui se trouvait à côté de moi. Elle était dans le même état que moi. Voire pire. « Tu souhaitais le voir mort autant que moi. » Elle leva les yeux vers moi. Elle regrettait. Elle regrettait d'avoir tué cet homme. Ce salaud. « Il n'a que ce qu'il méritait. » Je n'obtins aucune réponse, mon amie encore sous le choc. Nous étions complices. Sa mort, c'était de notre faute à toutes les deux. Pas uniquement de la mienne ou de la sienne. « Je sais, mais... » Elle s'arrêta là. Elle ne continua pas sa phrase.
Je détestais cet homme depuis si longtemps. Je le haïssais. Pour ce qu'il était, pour ce qu'il nous avait fait. À moi, à Norah et à d'autres. Des viols. Puis des menaces et des pressions pour qu'on ne parle pas. Il m'avait toujours effrayée. J'avais peur de ce qu'il pourrait encore me faire. Jusqu'à ce que je trouve le courage d'y mettre un terme. Par sa mort. Je me souvenais de tous les détails de cette horrible soirée. Ils ne voulaient pas quitter ma tête, malgré tous les efforts que je faisais afin d'oublier cette histoire. « Je dois... Je vais quitter la ville. » « Pour aller où ? » « Je ne sais pas, mais je dois partir. Mets-moi le meurtre sur le dos si on vient te poster des questions. Je continuerais à fuir à travers le pays. » « Mais Saskia ! Tu... » « Au revoir, Norah. » Je l'embrassais sur la joue avant de quitter l'appartement. Norah était tout pour moi. C'était grâce à elle que j'étais celle que je suis aujourd'hui. Alors s'il y avait bien quelque chose que je devais faire pour elle, c'était ça. Lui éviter la prison et - s'il le fallait - y aller moi-même à sa place.

TWO YEARS AGO

J'étais assise dans un parc, sur un banc. Pleurant à chaudes larmes. Et elle s'approcha de moi. Cette fille que je ne connaissais de rien. Elle s'était installée à côté de moi et avait gardé le silence durant quelques minutes. Jusqu'à ce que j'arrête de pleurer. « Tu veux en parler ? » Je secouais négativement la tête, lui indiquant que je n'en avais aucune envie. Mais elle est restée là, je ne sais pas combien de temps. À me tenir compagnie. Sans un mot.

« Tu as l'air d'aller mieux. » « N'en parles à personne, d'accord ? » Parce que les larmes étaient un signe de faiblesse, que je n'avais pas le droit de l'être au yeux du reste de la terre. Parce que s'il m'avait forcé à lui faire l'amour, il y avait forcément une raison. Parce que je me sentais sale et coupable de ce qu'il m'était arrivé. Et cette fille que je ne connaissais de rien, je ne voulais pas qu'elle se mêle de ma vie privée puisque cela ne la concernait pas. « Compris. Et toi, arrête de te renfermer sur toi-même. S'il t'es arrivé quelque chose de grave, il faut que tu en parles. » Je la regardais, l'air interdit. Savait-elle de quoi il en retournait ? Pourquoi avais-je l'impression qu'elle savait tout ? « Hayden Finnighan, hein ? » « Qu'est-ce que tu veux ? » C'était son nom. Le garçon qui m'avait violé. Il s'appelait comme ça. « Comment tu...? » « Tu passes ton temps à le fusiller du regard. » « Mais... » Comment savait-elle qu'il s'agissait de ce genre de problème ? « Tu n'es pas la seule, Saskia. J'ai subi la même chose que toi. » Notre première vraie conversation. Norah et moi étions pareilles. Nous avions subi le même sort. Nous avions le même ressentiment face à Hayden.

« Je n'y comprend rien ! » « Allez, les maths ce n'est pas si compliqué. » Norah et moi étions devenues plutôt proches. De bonnes amies. Les meilleures amies. Nous parlions de tout, sans exceptions, et nous passions énormément de temps ensemble. J'entrepris de lui expliquer l'exercice qu'elle ne comprenait pas, lorsque je sentis les lèvres de mon amies sur les miennes. Des frissons parcoururent mon corps et je répondis à son baiser. Je ne sais pas exactement combien de temps celui-ci dura, mais ce fut lorsque Norah m'enleva mon haut que j'y mis un terme. « STOP ! Que... Qu'est-ce que tu crois faire ? » Elle m'adressa un petite sourire. « Désolée. Tu me connais, j'aime bien faire de nouvelles expériences. » Ce jour-là, je me rendis compte que Norah et moi, ce n'était pas uniquement une histoire d'amitié. C'était quelque chose d'autre. Quelque chose qu'il m'était incapable de révéler à voix haute. J'aurais fait n'importe quoi pour elle. Elle était tout pour moi. Si j'ai tué Hayden, ce n'était pas pour moi. C'était pour elle. Mais c'était pas possible, n'est-ce pas ? Je ne pouvais tout de même pas être gay... Non, mes parents ne le supporteraient jamais.