« Anderson, t'es vraiment qu'un connard. » que j'entends l'autre troufionne dire. Elle, c'est ma conne de cousine que je peux pas supporter, parce qu'elle veut toujours que je joue à ses jeux à la con. Des jeux du genre Barbie et ses conneries, évidemment, je dis non à chaque fois et à tous les coups, elle se fout à gueuler, elle m'insulte et ma tante est d'accord avec elle. Ça change rien au fait que je joue pas quand même. Mais c'est pas le sujet. J'ai pas ma place ici. Je monte les escaliers pour entrer dans ma chambre et prendre mes affaires dans un sac. Je vais me casser, parce que de toute façon, je pourrais qu'être mieux que dans cette maison de merde. Ça fait six putain d'années que je vis un calvaire avec la sœur de ma mère qui pense que c'est de ma faute si ma mère est morte. Non, j'y suis pour rien si ma mère est morte. C'est pas de ma faute si elle avait un cancer. Au départ, je me suis demandé ce qui se passait, parce que je comprenais pas pourquoi je devais venir chez Kendra et quand j'ai fini par comprendre, ça m'a foutu un choc. Mais je m'en suis remis, je m'en remets toujours après tout. Que serait Anderson Meora sans son caractère de merde et son côté mec paumé ? Que dalle. Je supporte pas ma vie, je supporte pas le fait que je puisse être comparé à mon père, je supporte pas les deux connasses qui vivent ici et j'ai qu'une envie, qu'un seul putain de rêve : me casser du Nebraska et aller tracer ma route ailleurs. À vrai dire, je pourrais faire ça maintenant. Je pourrais me casser d'ici, c'est pas comme si quelqu'un s'en soucierait réellement. Les potes que j'ai ici sont des cons qui finiront surement vieux cons ici, à pourrir, avec une femme, trois gosses et une bouteille de Jack tous les soirs devant la cheminé en regardant des films pornos sur la chaine du câble. Personnellement, je veux pas finir comme ça. Je préfère encore mourir jeune et avoir profité un maximum de ma vie, plutôt que de crever vieux et d'avoir rien foutu, sinon vivre, ouais, mais comment ?! Bref, c'est pas la question. Je soupire en regardant ma chambre - qui, soit-dit en passant, est merdique - et ouais. J'ai même pas besoin de laisser de mot, ou un petit, pour ne pas qu'elles alertent les flics. « Désolé de partir comme ça, mais je me sens pas de rester ici. Peut-être que je reviendrai un jour, mais c'est pas dans mes projets du moment. En tout cas, vous inquiétez pas pour moi, je sais me gérer tout seul depuis un bon moment. Bye, Anderson. » que j'écris sur une petite feuille et que je pose sur mon lit avant de lancer mon sac où j'ai foutu le strict minimum par la fenêtre. Au pire, je peux toujours demander à Warren s'il veut me suivre, au moins quelque temps, parce que c'est le seul mec ici qui est un peu comme moi. Du genre à avoir des rêves complètement différents que les trois quarts des gens de cette ville.

Je frappe à la porte de chez elle. J'attends qu'elle m'ouvre tout en écrasant le mégot de ma clope sous mon pied. Lilly-May Blunthers, la fille dont je suis raide dingue, malheureusement pour moi. Je pensais pas réellement que je pourrais tomber amoureux de quelqu'un un jour, à vrai dire, je me suis déjà cassé une fois pour cette raison. J'ai essayé de m'éloigner d'elle, mais me revoilà devant la porte de sa foutue baraque, attendant qu'elle ouvre pour que je puisse l'emmener avec moi dans mon monde. Je suis surement le mec le plus égoïste de la Terre, je peux pas le nier. À cause d'elle, je suis resté dans cette ville beaucoup plus longtemps que je l'avais prévu. Je comptais passer ici, comme je passe dans toutes les villes qui passent sur mon chemin, mais je l'ai vu, elle. J'ai pas pu me résoudre à me casser sans apprendre à la connaitre et voilà où ça m'a mené. Bordel, je déteste cette situation. Je déteste dépendre d'une personne et je sais que je l'aime, pire dépendance qu'on puisse imaginer à ce qu'ils disent. « Lilly, ouvre-moi, faut que je te parle. » Et j'ai pas le temps d'attendre devant cette porte alors que je sais très bien que t'es juste derrière. Je suppose qu'elle hésite à m'ouvrir, parce que je me suis déjà cassé une fois, mais c'était sur un coup de tête et je l'avais prévenu avant. J'entends des pas derrière la porte et elle m'ouvre, je la regarde, un sourire sur les lèvres, tout en m'approchant d'elle pour la prendre dans mes bras. Elle s'écarte de moi et croise les bras sur sa poitrine, elle me boude. Tout du moins, elle essaye. « Je suis désolé d'être parti, mais me fais pas la gueule, tu vois, je suis là. Alors je te le demande, est-ce que tu veux venir avec moi ? Je... je t'aime et je veux que tu viennes avec moi. » J'arrive pas vraiment à croire ce que je viens de dire. Je viens de lui dire je t'aime et c'est la première fois que je le dis à quelqu'un en dix-neuf ans de vie sur cette Terre. Je lui souris quand elle lève la tête vers moi, surprise par mes propos. Elle s'approche de moi et se faufile dans mes bras. Murmurant un petit oui entre ses lèvres qui a fait ce qu'on est devenus par la suite. Sauf que j'ai pas pu. Je pouvais pas être autant fou d'une personne. C'est pas dans mon caractère, c'est pas moi et je pouvais plus supporter l'idée. C'était pas contre elle, même si je lui en voulais de m'avoir rendu comme ça. Alors je l'ai fait boire. Je l'ai fait boire, puis je l'ai ramené au motel. Je suis laissé un mot avec un « désolé » noté dessus. J'ai posé un baiser au sommet de son crâne et je me suis cassé le plus loin possible d'elle. je sais même pas pourquoi j'étais devenu fou d'elle, surement parce qu'elle était différente des autres filles que je connaissais. Elle était naïve et elle pouvait sortir des conneries pas possible, mais parfois, les conneries qu'elle disait, elle les pensait vraiment et les prenait vachement au sérieux. C'est surement ce côté enfantin, comme une enfance qui n'était jamais partie qui m'a plu. J'ai regretté de m'être cassé pendant un bon moment, mais j'ai fini par m'y faire. Je me suis faut fait qu'elle était plus avec moi, qu'elle avait surement rencontré un autre gars et que de toute façon, je la reverrai pas. Après tout, je pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Je suis donc redevenu le même mec que j'étais au départ, c'est-à-dire sociable - tout du moins, avec certaines personnes -, mais aussi le dragueur invétéré que j'étais avant de la connaitre, puis le mec chiant et je-m'en-foutiste que j'étais au départ. C'était pas si mal en fin de compte de m'éloigner d'elle, j'y pense quasiment plus et je le vis plutôt bien. Je me remets de tout et je savais que ça ne me ferait que du bien de pouvoir me libérer de ce sentiment qui m'empêchait de vivre complètement. C'était pas de sa faute, c'était de la mienne. Aujourd'hui, je vis au jour le jour, je couche avec des filles, des histoires sans lendemain et parfois, je voyage avec une personne pendant quelques temps, pour avoir de la compagnie stable au moins une fois en six mois, plus ou moins. Je suis redevenu l'Anderson Meora que j'étais et c'est pas plus mal.