Cigarette au bec, Saul plisse les yeux pour éviter le soleil au maximum. Oui, il vient de Louisiane, mais c'est un type de sous sol, de derrière le comptoir, un type d'intérieur en somme. Ce qui se déroule cependant sous ses yeux vaut tous les coups de soleil du monde. Elisa est en robe, elle déambule pieds nus dans la poussière, dégourdissant ses jambes restées trop longtemps statiques dans la voiture. Oh, non, ça n'a rien d'un évènement extraordinaire pour le commun des mortels. Saul pourrait tuer rien que pour la regarder se pencher à l'intérieur de la décapotable pour attraper une cigarette dans la boite à gants. Enfin, tuer, tout est relatif. Il ne faudrait pas ajouter des taches sur la banquette arrière, ils ont déjà eu assez de mal à nettoyer les premières.
Oui, voilà l'ennui principal de ces amants terribles. Il est difficile de savoir où s'arrête le premier degré. De savoir s'ils sont sérieux ou s'ils jouent. Ils sont comme ces serpents qui vous hypnotisent des dessins de leur corps pour mieux frapper ensuite. Fascinants petits êtres meurtriers qui semblent tuer sans faire exprès, qui sont si beaux que leurs crimes semblent aussi édulcorés que les films de Jacques Demy. Méfiez vous, gentes dames, brave messieurs. Ces deux là n'ont jamais entendu parler de Bonnie Parker ni de Clyde Barrow, mais ils sont leurs dignes successeurs.

FLASHBACK

Saul et Elisa se tiennent debout face à face dans l'herbe humide. Ils se contemplent. En vérité ils pourraient faire ça pour l'éternité, s'il n'y avait l'homme, à terre. Ils sont beaux. Peut être l'un a un côté gueule cassée, et l'autre a l'air d'une baby doll, mais ils sont beaux jusque dans le plus sinistre de leur défaut. Lui fait un pas. En vérité, ils ne sont pas là pour ça, mais que voulez vous....Puis un autre. Ils sont assez prêts l'un de l'autre maintenant pour que leurs souffles s'entremêlent dans une danse folle qui leur échappe. Nous ne sommes pas là pour ça. Cette situation relève de la démence... Tant de réflexions qui leur passe par la tête. Elisa a du sang sur elle - pas son sang, oh que non, Saul ne laisserait jamais personne la toucher - alors il fait glisser une des bretelles de sa robe, doucement, comme l'eut fait un adolescent encore romantique ou un chat curieux, fait glisser l'autre, l'embrasse, l'attire à lui et l'enlace et alors, seulement alors, plus rien d'autre n'existe.
A trois pas de là se pousse un dernier soupir. Le visage perd lentement de sa couleur puis de son mouvement, les mains ne se crispent plus. Le pauvre homme meurt, sa dernière bouffée d'oxygène emportée par le vent, emprisonnée par l'air humide de Louisiane, et elle vole, curieuse, au dessus du couple bancale. L'homme est mort dans la douleur. Cette douleur lui a ôté tout nom, par conséquent toute identité et tout titre d'Homme. Pourtant il meurt le visage serein.

FIN DU FLASHBACK, DEBUT DE LA GENESE - OU L'ON APPREND QUE LES CLICHES S'ATTRAPENT COMME LES TIQUES

Saul Weiss est un monument de Port Hudson. Pour tous les habitants du village, il n'a jamais eu ni famille, ni ami au sens strict du terme. Son passé est brumeux, intriguait autrefois et maintenant importe guère. C'est un garçon gentil, intelligent. Il a ouvert son propre bar, les gens l'aiment bien, il joue parfois du piano les soirs où il n'y a pas foule, et fait retourner tous les spectateurs dans le passé, dans ces fameux cabarets des années cinquante.
Le fait est que ce fameux passé de Saul, il n'a rien de véritablement tragique. Oh, je n'ouvre pas un nouveau paragraphe pour vous le révéler, ce ne serait pas drôle, je vous informe juste du fait que non, Saul n'est pas un pauvre petit orphelin, ni un enfant battu ou abusé. C'est un débrouillard et un sale rêveur. Ayant d'abord fait une école de spéléologie parce que grimper aux parois dans les grottes, c'est drôle, il utilisa ensuite son diplôme très jeune pour participer à des spectacles de danse sur corde. Lassé de tout très vite, il abandonna tout ça pour devenir barman du Flower's grave - son propre bar, donc, que j'évoquais plus haut. Sa vie fut peuplée d'anecdotes étranges et atypiques qu'il aime raconter parfois. Saul est d'un absurde fini, sa vie aussi, et les évènements et rencontre absolument improbables qui rythment sa vie l'ont fabriqué tel qu'il est (comme tout le monde, quoi). Je ne vais pas vous dire qu'il y a eu un changement inconsidérable il y a quatre ans, le jour où il a rencontré Elisa, qu'un éclair est tombé du ciel, qu'un type avec des ailes et à moitié nu est venu lui tirer une flèche dans le coeur, non. Si vous lui demandez si la rencontre d'Elisa a changé sa vie (et c'est le cas), il vous répondra d'un air assez neutre: "Effectivement, je n'avais jamais tué personne avant de la connaitre."

◮ Pseudo / Prénom Appo.
◮ Âge : 21 ans.
◮ Tu viens d'où ? De Paris!
◮ Comment t'es-tu retrouvé ici ? Par hasard/Bazzart!
◮ Tu aimes ? A ton avis?
◮ Autre : Me boycottez pas parce que j'ai pris un pas connu, je suis gentil je fais des cadeaux et aussi: Marikoquelicot arrive et ça va plus rigoler